La fiducie-sûreté

Un instrument de garantie stable en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur.

En cas d’ouverture d’une procédure collective les sûretés classiques destinées à garantir les engagements professionnels, commerciaux ou industriels, qu’ils soient juridiques et/ou financiers, ne confèrent plus au créancier une exclusivité sur les biens remis en garantie (hypothèque, nantissement, cession de créances…). Se reporter à notre article paru sur site le 16 mars 2022.

La fiducie sûreté déroge à cette tendance.

Souvent étroitement mêlée à une fiducie gestion au sein d’une même convention de mandat, sa particularité est d’être constituée à des fins de garantie du respect d’engagements pris par un débiteur (le constituant) par exemple le remboursement d’une dette contractée avec un tiers ou auprès du fiduciaire lui-même.

Les biens sur lesquels vont être assis la garantie sont alors cédés à un fiduciaire (banque ou avocat) pour sûreté du remboursement de la dette que le constituant a envers un tiers créancier. Si à l’échéance la dette est payée, les biens cédés font retour dans le patrimoine du constituant ; sinon, leur propriété est acquise au créancier. La mise en fiducie du bien garantie cette affectation.

L’expression « dette » a ici un sens générique et recouvre plus généralement une obligation contractée par le débiteur.

Lorsque la fiducie-sûreté porte sur des biens meubles, (C. civ., art. 2372-1 et s.), elle suppose comme dans les autres cas de fiducie, l’accomplissement d’un formalisme lors de sa constitution, formalisme qui est contrebalancé par la sécurité du créancier notamment dans le cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du constituant. C’est la raison pour laquelle ce type de fiducie est très attractive et bien supérieure aux autres types de sûreté.

Le constituant peut affecter à titre de garantie du paiement de sa dette des biens très divers tels que les créances qu’il est susceptible de détenir, des valeurs mobilières, des titres de capital, des droits de propriété intellectuelle, un stock de marchandises … pourvu que cette affection en garantie, véritable aliénation fiduciaire, ne lui interdise pas d’en conserver l’usage.

Cette fiducie se fait sans dépossession.

Quelle est l’opposabilité de la fiducie sûreté vis-à-vis des tiers ?

Lorsque le contrat de fiducie porte sur un bien meuble, il doit à peine de nullité, être enregistré dans le délai d’un mois à compter de sa date au service des impôts du siège du fiduciaire (2 mois s’il porte sur un immeuble).

Si le bien mobilier transféré au fiduciaire porte sur des créances, ce transfert est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l’avenant qui la constate.

Qui a pouvoir, pendant la fiducie, sur les biens transférés en garantie ?

C’est le contrat de fiducie qui définit, selon les accords convenus entre les parties, les pouvoirs sur les biens objet de la fiducie.

Ainsi le constituant et le fiduciaire pourront notamment disposer :

  • que le constituant (le débiteur) conservera l’usage ou la jouissance des biens donnés en garantie, et ceci malgré leur affectation dans le patrimoine fiduciaire,
  • ou que certaines catégories d’actes réalisées par le fiduciaire nécessiteront l’accord du constituant.

Si les biens n’ont pas déjà été affecté à un autre type de garantie (et donc libre de droit des tiers à cet égard) au moment où est constituée la fiducie, les biens transférés en garantie ne peuvent être saisis que par les titulaires de créances nées de la garantie qui a motivée cette mise en fiducie.

Quel est le sort des biens objets de la garantie ?

Deux hypothèses : (1) la dette a été payée, (2) la dette n’est pas payée à son terme.

Dans le premier cas, la garantie n’ayant plus de cause les biens donnés en garantie retournent dans le patrimoine du constituant.

Si la dette est impayée en tout ou en partie, la garantie est mise en œuvre par le fiduciaire selon les dispositions convenues lors de la constitution de la fiducie.

Si le créancier est le fiduciaire lui-même, il dispose automatiquement et librement des biens mis en fiducie,  et selon les stipulations du contrat de fiducie, il pourra procéder à la vente du bien et l’excédent éventuel de cette vente sera ensuite remis au fiduciaire, sous déduction des sommes qui auraient dû être payées pour assurer la conservation et la gestion du patrimoine fiduciaire (v. C. civ., art. 2372-4 et 1488-4). Il s’agit d’empêcher que le créancier ne réalise un profit indu. Les nouvelles règles à compter du 15 septembre 2021 ont supprimé l’exigence d’évaluer les biens objets de la fiducie. Dans le droit antérieur cette évaluation était obligatoire à peine de nullité. Désormais seule demeure l’obligation d’évaluer la créance garantie, nécessaire pour le calcul de l’excédent éventuel à reverser.

Quelle situation si le bien confié en fiducie ne peut être réalisé faute d’acheteur ?

L’article 2372-3 ou l’article 2488-3 du code civil, selon le cas précise :

« Si le fiduciaire ne trouve pas d’acquéreur au prix fixé par expert, il peut vendre le bien ou le droit au prix qu’il estime, sous sa responsabilité, correspondre à sa valeur ».

C’est pourquoi il est préférable que le contrat de fiducie précise, dès l’origine, les modalités de l’évaluation par un expert indépendant désigné ou désignable sous la conduite du fiduciaire.  A défaut la responsabilité du fiduciaire serait engagée.

En matière de titres ou de valeurs mobilières, la valeur est dictée par l’alinéa 2 de l’article 2372-3 :

« La valeur du bien ou du droit cédé est déterminée par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, sauf si elle résulte d’une cotation officielle sur une plate-forme de négociation au sens du code monétaire et financier ou si le bien est une somme d’argent. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

La fiducie est-elle rechargeable ?

Au même titre qu’une hypothèque est rechargeable, le bien transféré en fiducie peut être affecté à nouveau, ultérieurement à la garantie de nouvelles dettes, même si la première dette n’a pas encore été payée, mais à la condition que cela soit prévu dans le contrat de fiducie initial lequel gérera alors la naissance des droits consentis successivement.

Ce caractère rechargeable connait une limite si le constituant est une personne physique puisque dans un tel cas le bien confié au fiduciaire ne peut être affecté en garantie d’une nouvelle dette que dans la limite de sa valeur estimée au jour de la recharge.

Ces règles sont d’ordre public.

Que se passe-t-il en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du constituant ?

Rien de nouveau puisque le patrimoine fiduciaire est « étanche » par rapport à celui constituant et particulièrement vis-à-vis des créanciers du constituant.

Pour le créancier, cette position est sans comparaison bien supérieure à celle qu’il aurait eu s’il avait été, par exemple, titulaire d’un gage sans dépossession ou d’un nantissement.